Le dos au mur, une situation très partagée

La crise des réfugiés avait en commun avec celle du système financier sa chronicité. Mais elle est la première des deux à connaître un nouvel épisode aigu, cinq après celui de 2015. Le pacte Faustien passé avec le régime turc afin de contenir les réfugiés n’était pas durable et il est rompu. Que va-t-il maintenant survenir ?

En état d’alerte maximum, la Grèce est à nouveau aux premières loges avec comme seule issue pour elle de fermer ses frontières aux autres, avec l’aide de l’armée et en « suspendant » l’examen des demandes d’asile, c’est à dire en le supprimant purement et simplement. Et l’Union européenne renforce la présence de Frontex pour contenir la ruée des réfugiés qui cherchent à la rejoindre. À Lesbos, l’explosion attendue est intervenue, des habitants ont empêché les réfugiés venant de Turquie de débarquer. Et combien d’entre eux vont rejoindre dans les jours à venir les 13.000 qui sont déjà massés le long de la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce ?

La situation va vite empirer si un cessez-le-feu n’intervient pas dans la région syrienne d’Idleb. Comment la frontière turque fermée pourrait-elle résister à la poussée de millions de Syriens fuyant la reconquête entamée par les forces de Bachar al-Assad si celles-ci progressent encore ? Ils ne sont pas seuls à avoir le dos au mur, c’est également le cas de Recep Tayyip Erdoğan, le président turc, qui a finalement réussi à décrocher un rendez-vous jeudi prochain avec Vladimir Poutine, sa dernière carte pour obtenir un cessez-le-feu. En attendant, les tambours continuent de battre, l’armée turque est engagée dans une nouvelle opération poétiquement baptisée « Bouclier de Printemps ».

Nul besoin d’attendre le dénouement de cette nouvelle crise pour en tirer une première leçon : l’Union européenne a une fois de plus failli en ne mettant pas à profit ces cinq dernières années pour adopter une « gestion des flux migratoires », selon les termes d’Emmanuel Macron qui substitue avec l’élégance qu’on lui connait les « flux » aux réfugiés. Alors qu’Angela Merkel n’a plus la ressource d’accueillir comme en 2015 un million de réfugiés en Allemagne, ce qui avait alors soulagé de la pression exercée par la ruée des exilés.

L’intégration européenne connait un manifeste coup d’arrêt. S’accorder en son sein, même sur les projets les moins clivants, est devenu un long exercice incertain. Pour parachever, l’adoption du budget pluri-annuel de la Commission cristallise les divergences, tandis que la BCE, cette sauveuse en dernier ressort, est plongée dans un abîme de réflexion prolongée. On ne voit d’ailleurs pas ce qu’elle pourrait faire en la circonstance.

À tous égards, la seconde phase de l’intégration européenne engagée à Maastricht se solde par un zéro pointé si l’on veut bien ne pas regarder son nombril. Et les circonstances ne se prêtent pas au lancement d’une nouvelle phase, ses préparatifs brillant par leur absence, car le bilan préalable qui serait nécessaire ne peut pas être tiré car réclamant des mises en cause inconcevables. Dans ces conditions, l’Union européenne, planquée derrière ses murs, y tourne aussi le dos et ses dirigeants se réfugient… derrière les mots.

Dernière minute : les autorités allemandes se réfugient derrière l’idée que l’accord avec le gouvernement turc n’ayant pas été formellement dénoncé, on doit s’y tenir. Pour en convaincre le président turc, elles proposent à mots couverts d’accéder à sa demande et de recevoir directement la suite des 6 milliards d’euros de compensation prévus afin d’en faire ce qu’il veut… Pitoyable !

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